dimanche 12 décembre 2010

Varanasi et l’avant goût du choc culturel


Chère lectrice et cher lecteur, il est maintenant temps de passer aux confidences. Voici les quelques étapes qui m’ont menée à mon premier choc culturel en pays hôte! J’avais généralement vécu les chocs culturels au retour de mes diverses expériences à l’étranger, mais voici que l’Incredible India m’a permis de poser un regard différent sur l’Inde.

                                         ---------------------------------------------

Prémisse d’une histoire salle

Mon ami Jérôme arrivait du Laos le 17 novembre dernier.

Au programme : 12 jours de détentes après les efforts de recherche terrain et de réalisation de mon contrat de recherche aux Archives nationales de l’Inde.

Direction : Varanasi, lieu saint de l’Hindouisme, avec ces ghâts de crémation, et Bodhgaya, littéralement « Ville de Bouddha », lieu saint du Bouddhisme, endroit Siddhârta reçut l’éveil.

Certitude : Pur plaisir.

Appréhension : Aucune.

Questionnement : Le guide du routard « Inde du Nord » 2010 présente Varansi (Bénarès) ainsi : « […] Pour beaucoup de vauageur, Varanasi est une révélation, une ville inspirée, où l’on peut découvrir la mentalité indienne et surtout la puissance de la religion sur le mode de vie et de pensée C’est un endroit qui heurte de plein fouet nos certitudes trop ancrées d’Occidentaux, et, d’ailleurs, certains n’en repartent pas indemnes. On y perçoit l’essence même de l’Inde […] Le voyage dans cette cité ne laisse jamais le voyageur intact, on quitte toujours Bénarès en ayant perdu ou gagné une parcelle de son âme. »

Commentaire : Ouais, c’est beau j’ai compris!



Au commencement…

Nous avons passé deux jours à Delhi afin de faire la visite par excellence suggérée par nombre de guides touristiques. Définitivement, un pur plaisir. Jérôme arrivait du Laos, bien motivé. De mon côté, la joie d’un petit trip entre amis de longue date me plaisait bien.

Première journée à Varanasi : il ne nous a pas fallu attendre bien longtemps… pour la révélation.

Nous sommes arrivées à Varanasi le dimanche 21 novembre dernier. Y’a pas à dire, c’est ce qu’on appelle au bon endroit au bon moment! C’était Diwali pour les Dieux. Ce soir où les Dieux indiens viennent sur la vallée du Gange afin de célébrer leur union. Encore une fois, un Diwali en lumière, mais cette fois-ci avec plus de chandelles… beaucoup plus de chandelles! C’était magnifique.



Nous nous sommes laissé aller au jeu. Le rickshaw nous a directement conduits à une Guest House, juste au-dessus de la ghât principal des crémations. Génial comme ambiance, comme odeur et un roof top trop sympathique. Dès notre arrivée, les tenants de du guest house nous propose le tour en bateau qui pour ce soir est plus cher, mais au combien symbolique! 200 Roupies et c’est parti! Une balade guidée dans le labyrinthe de la vieille ville en après-midi et voilà, l’ambiance sacrée nous avalait peu à peu. Une expérience sans précédent. Une ville formidable.

Le tour de bateau fut des plus splendides. Nous y avons rencontré deux voyageuses Espagnoles qui œuvraient pour une œuvre caritative « Mother Teresa » à Calcutta. Nous chopons les meilleures places dans le bateau (juste au bout de la coque afin d’avoir assez de place pour faire des photos géniales et bouger pour la sélection intuitive des clichés), devant ces Français à l’air un peu dubitatif et niais qui n’avait pas vraiment compris le geste symbolique de nos choix de place (avec leurs commentaires désobligeants sur leurs expériences varanasienne). Bien joué quoi!



Séance de photo assez intense et un spectacle visuel à vous en couper le souffle.



Nous voilà de retour sur les ghâts que l’envie de suivre la foule nous prend. Nous invitons donc les deux Espagnoles à se joindre à nous afin de marché dans cette masse humaine informe qui s’est rassemblé sur les ghâts pour l’évènement. Assez emballées par l’idée d’être accompagnées par deux hommes afin de goûter un peu plus de ce moment unique (l’Inde n’est pas toujours facile pour les femmes occidentales, de surcroît lorsqu’elles ont les cheveux blonds, vous comprendrez dans quelques lignes!), elles acceptent l’offre avec plaisir. À la sortie du bateau, de jeunes Indiens prennent des photos des filles… as usual! Rien de trop étonnant, c’est l’Inde quoi.

Nous marchons donc le long des ghâts, poursuivant frénétiquement notre prise de clichés en fonction des différents spectacles qui nous sont offerts. L’ambiance est mi-festive, mi-sacrée, mi-familiale. L’espoir de voir émerger la photo des photos, celles qui coupent le souffle, nous démange de plus en plus. Nous nous enfonçons dans la foule, discutant un peu de nos profils et échangeant sur la magnificence du spectacle.



Après un bon gros 25 minutes, je me retourne vers Jérôme et je lui souligne que nous avons bel et bien l’air suivi par de jeunes Indiens. La masse humaine devient de plus en plus dense. Les mouvements s’effectuent de plus en plus au corps à corps. Les bousculades plus fréquentes. Les filles commencent à se faire pincer les fesses… as usual!  Rien de trop étonnant, c’est l’Inde quoi!



Jérôme et moi décidons de serrer les appareils avant que malheur n’arrivent aux plus de 300 clichés effectués depuis le tour de bateau. Nous poursuivons notre avancée dans la masse humaine, suivant le chant sacré et le spectacle des milliers de mains qui s’élèvent au ciel au rythme des tablas et des mots prononcés. La scène est magnifique. Un goût de la culture indienne et de Varanasi exposant dix. À n’en couper le souffle.



Les filles se font alors de plus en plus toucher. Au départ, c’était les fesses, maintenant, ce sont les fesses et les seins. Jérôme et moi avions déjà repéré ces jeunes, nous nous mettons donc un à l’avant et un à l’arrière afin de limiter les possibilités d’attouchement. Nous avançons toujours dans cette masse, comme pousser par tous ces Indiens qui désirent avoir une place afin de voir le spectacle eux aussi. La tentative de faire demi-tour s’évanouit à chaque pas. Le sens du flux ne semble pouvoir être défié. C’est la conclusion à laquelle nous arrivons collectivement. Du moins, il faudrait une force surhumaine pour rebrousser chemin!



Nous effectuons encore une quinzaine de mètres. Les attouchements se multiplient, les bousculades augmentent, Jérôme et moi revêtons notre blason de garde du corps repoussant du mieux que nous pouvons ces adolescents en perte de contrôle. Puis comme nous atteignons une sorte de paroxysme dans cette frénésie bestiale, comme nous arrivons devant une rampe nous indiquant que nous sommes au bout de cette ghât, voyant les milliers d’Indiens sur la ghât plus bas les bras levée, nous décidons de rebrousser chemin pour tenter de joindre les escaliers à quelque cinq mètres de distance. Impossible, non, c’est impossible, un flot d’indien s’amasse. Chaque pas est un nouveau défi, les attouchements sur les filles se multiplient toujours. Puis…

La foule se disperse. Des policiers font aller leur bambou d’un air frénétique. Ils nous ont aperçus tentant de se frayer un chemin dans la foule opaque. Un répit nous est offert. Nous gagnons les marches en vitesse. Le second palier de marche est inaccessible. Trop de gens tentent de descendre ou de monter à la fois. Les attouchements ont cessé, nous respirons un peu. Gagnant l’autre extrémité, la rampe nous bloque une fois de plus. Les marches qui ce sont transformées en estrades pour l’occasion sont occupées par des Indiens admirant le spectacle. Certains d’entre eux nous indiquent alors que la scène en cours ce termine dans 15 minutes et qu’il vaut mieux pour nous de rester à cet endroit afin de contempler la fin. Comme des chats mouillés, nos mouvements malhabiles nous rendent perceptibles à des kilomètres dans cet environnement (j’ai expérimenté cette réalité à plus d’une reprise durant mon séjour), et c’est sans doute ce qui s’est produit en réfléchissant au conseil donné sur le moment.

Les quinze minutes ont bien passé. L’affluence dans les marches s’est amoindrie. Nous avions bien aperçu ces jeunes nous matant de loin, mais nous avons décidé qu’il était temps de mettre une fin à ce bain de foule, qu’il était de quitter les lieux pour tenter de gagner la guest house à quelque deux kilomètres de là.



Nous avons gravi les marches. Comme par hasard, la foule s’est faite plus nombreuse, la montée plus ardue. Les attouchements sur les filles ont repris. Ajoutées à nos efforts de protection, elles se défendaient admirablement, empoignant les mains et les tordant en espérant avoir donné une leçon suffisamment claire pour éviter toutes autres tentatives, mais c’était un geste vain, tous nos gestes étaient vain dans cette frénésie bestiale, manifestation du désir envers la femme occidentale facile. Au lieu de cela, le rythme augmentait. Les endroits d’attouchements corporels aussi, ce n’était plus que les seins et les fesses, mais aussi les parties génitales. Un pur plaisir quoi. Presque du viole publique, rien de trop étonnant, c’est l’Inde quoi!

Alors qu’ils ne nous restaient qu’un palier de marches à gravir avant d’atteindre une route nous permettant de sortir de cette masse humaine, l’inévitable est arrivé. L’orgie d’attouchements a atteint son comble. Désormais, il n’y avait plus que les filles qui se faisaient toucher, Jérôme et moi aussi. Comme si la frénésie était devenue pur plaisir psychotique. Les jeunes Indiens ont poussé et poussé, plus fort. Les autres Indiens, qui n’avaient rien à voir dans cette histoire, ont poussé de plus belle. La mascarade de l’égo indien s’est mise à l’œuvre (Toutes personnes ayant voyagé en Inde à probablement déjà constatée l’égo indien que ce soit dans les entrées et sorties des arrêts du métro de Delhi ou avec la conduite routière. De plus, je l’ai déjà dit, ici personne ne te donne une place, il n’en tient qu’à toi de la faire.) Alors que la foule était bien compacte, que tous voulaient sortir pour atteindre la route, une bousculade sauvage a éclaté. Les attouchements ne faisaient toujours qu’augmenter, malgré le fait que Jérôme et mois éclations de force sur place pour repousser les jeunes Indiens et que les filles tordaient les mains et criaient de plus en plus fort… le désordre était manifeste.

Puis, le temps a ralenti. Ma respiration est devenue saccadée. La rage montait. La perte de contrôle devenait évidente. Ce n’était plus une bousculade, mais un véritable chaos. Au moins deux ou trois Indiens sont tombés dans les marches et ce sont fait piétiner dans le mouvement désordonné de cette foule déchaînée.

Et nous avons atteint la dernière marche. La route était devant nous, les marches derrières. Chacun des côtés de la route servait soit pour un aller soit pour un retour de cet immense bain de foule sacrée, amassé pour l’évènement. Nous avons gagné un petit temple de l’autre côté. Un endroit près d’un policier, avec son bambou. Si Jérôme et moi tremblions de  l’expérience, scrutant la foule à la recherche de ces visages fraîchement mémorisés, probablement apte à se battre, les filles étaient dans un pur état de choc. Les larmes coulaient sur leurs joues, leurs corps tremblaient de froid, d’attouchements et d’agressions publiques.

L’un des Indiens qui s’est fait piétiné est bien venu parler à la police et s’excuser auprès de nous en nous suppliant de ne pas retenir cette image de l’Inde, que ce n’était qu’aléatoire, que cela ne reflète en rien le « vrai » visage de l’Inde…  

Petit rappel de l’expérience possible à Varanasi :

« […] Pour beaucoup de voyageurs, Varanasi est une révélation, une ville inspirée, où l’on peut découvrir la mentalité indienne et surtout la puissance de la religion sur le mode de vie et de pensée C’est un endroit qui heurte de plein fouet nos certitudes trop ancrées d’Occidentaux, et, d’ailleurs, certains n’en repartent pas indemnes. On y perçoit l’essence même de l’Inde […] Le voyage dans cette cité ne laisse jamais le voyageur intact, on quitte toujours Bénarès en ayant perdu ou gagné une parcelle de son âme. »

- Guide du routard L' Inde du nord 2010 -

Commentaire :

Oui, maintenant, j’ai une certitude! Une certitude dont je voulais vous faire part depuis longtemps, mais je n’avais pas encore trouvé les mots, ou l’anecdote appropriée pour vous le dire. Maintenant, c’est le moment tant attendu :

Avec l’image de la femme blanche qu’elle contient, la pornographie occidentale a un sérieux effet sur les Indiens.

L’introduction de cette dernière en Inde, jumelée à la culture indienne, produit parfois des comportements d’incivismes déviants chez ces derniers envers les femmes blanches. Leur vision de la femme occidentale en est une bien particulière. Merci Occident!

Mais, garder à l’esprit, qu’ici, c’est vous le touriste, l’étudiant, l’étranger, l’intrus, le friqué, le blanc,  rien de trop étonnant, c’est l’Inde quoi!



                                        ------------------------------------------

Je sais, je sais… que je vous ai annoncé que je parlerais des quelques étapes menant au choc culturel… mais la première est parfois la plus importante, et de loin la plus significative, et son souvenir vous coupent parfois l’inspiration! Ne vous inquiétez pas la suite est plus joyeuse et je vous écris sous peu!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire